Mythologies 10/05/2013 à 18h57

Les USA ont « Gatsby », la France « Les Misérables »... et les autres ?


« Gatsby le magnifique », qui sort mercredi en salles, est LE roman de l’Amérique. Et en Chine, en Espagne, en Afrique du Sud ? On a tranché.


« Gatsby le magnifique » de Baz Luhrmann (Warner Bros France)

Plus que quelques jours avant la sortie de « Gatsby le magnifique ». C’est l’Australien Baz Luhrmann (« Roméo + Juliette », « Moulin Rouge », « Australia ») qui s’y colle pour cette troisième adaptation cinématographique du roman de Francis Scott Fitzgerald.

Bande-annonce de « Gatsby le magnifique »

Le roman du mythe américain


Couverture de la première édition de « The Great Gatsby » par Francis Cujat

La bande-annonce survoltée promet une réalisation brillante/clinquante avec Leonardo DiCaprio en premier rôle. Le choix du grandiose/glamour peut laisser sceptiques certains de ceux qui ont lu et aimé le bouquin, mais pas tous.

Cette œuvre, qui fut un énorme échec commercial entre 1925 et sa deuxième réédition dans les années 50, s’est imposée comme celle qui a capté l’essence d’une époque, et d’une nation, dans l’entre-deux-guerres prospère : les « roaring twenties » (les années 20 rugissantes).

Pour son plaisir ou sa peine, aucun lycéen américain n’y a échappé. « The Great Gatsby » est LE roman qui incarne le mythe américain, celui que les Américains aiment se raconter.

Documentaire (en anglais) de la BBC « The Great Gatsby : midnight in Manhattan »

L’histoire ? Nick Carraway, un jeune Américain du Mid-Ouest travaillant dans la finance, part pour New York et s’installe dans une minuscule maison à Long Island, point de rencontre de la jeunesse huppée et fêtarde. Il y rencontre son voisin Jay Gatsby, homme d’affaires richissime, énigmatique et envié. Il devient son ami et confident.

« The Great Gatsby » n’est peut-être pas le plus grand, le meilleur roman américain, il n’est sans doute pas plus fort que « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » de Harper Lee, plus profond que « Les Raisins de la colère » de John Steinbeck ni plus poétique que « Le Vieil Homme et la mer » d’Ernest Hemingway. Mais ce livre est une sorte de miroir national.

Alors, quelle œuvre romanesque (parfois théâtrale) peut prétendre incarner le mythe national en France, en Espagne, en Russie, etc. ? Laquelle rassemble, unit, fédère les générations, les classes sociales ? A Rue89, tout le monde n’était pas d’accord : à vos commentaires.

France : « Les Misérables », Victor Hugo


« Les Misérables » de Victor Hugo

Notre choix : on ne vous racontera pas tout de suite nos débats (« Et pourquoi pas les fables de Jean de la Fontaine ? – Eh bien parce que c’est juste une poésie et que tu ne vas pas en faire un film »), mais puisque la France est congénitalement structurée autour de sa Révolution et de la loi de 1905 (séparation de l’Eglise et de l’Etat), ça ne pouvait être qu’une œuvre postrévolutionnaire.

Et puisqu’en France, on a du mal à considérer la littérature populaire comme de la littérature justement, il fallait aussi une œuvre qui satisfît (oui, subjonctif) les puristes du style et ceux qui aiment les bonnes histoires. De celles qu’on peut raconter aux enfants et qui n’ennuient pas (trop) les adolescents.

Donc, on a choisi... « Les Misérables » de Victor Hugo, écrit AVANT la loi de 1905 (en 1862), mais qui porte déjà les mythes français de l’école républicaine, de la victoire contre la peine de mort, de la défense et l’amour des humbles : égalité, liberté, fraternité.

L’histoire : le résumé de ce roman fleuve par Wikipédia :

« L’action se déroule en France au cours de la première moitié du XIXe siècle. [...] On y suit, pendant cinq tomes, la vie de Jean Valjean, de sa sortie du bagne jusqu’à sa mort. Autour de lui gravitent les personnages, témoins de la misère de ce siècle, misérables eux-mêmes ou proches de la misère : Fantine, Cosette, Marius, mais aussi les Thénardier (dont Gavroche) ainsi que le représentant de la loi Javert. »

Des adaptations au cinéma et à la télévision, il y en a eu tant... Parmi les hexagonales, la plus émouvante serait celle de Raymond Bernard (1933). Pour votre peine, voici la plus longue (8h15) par d’Henri Fescourt, sortie en 1925.

Première partie des « Misérables » d’Henri Fescourt

Ceux qu’on aurait pu choisir  : « Germinal » d’Emile Zola, « Bel-Ami » de Guy de Maupassant, « L’Etranger » d’Albert Camus et... « Astérix » de René Goscinny et Albert Uderzo. Blandine Grosjean

Afrique du Sud : « Pleure, ô pays bien-aimé », Alan Paton


« Pleure, ô pays bien-aimé » d’Alan Paton

Notre choix : pendant des décennies, sous le régime de l’apartheid, le roman qui incarnait l’âme sud-africaine de la souffrance et de la résistance portait le beau nom de « Cry, The Beloved Country », en français : « Pleure, ô pays bien-aimé ».

Ecrit en 1948 par Alan Paton, un Blanc, anglophone, libéral, opposé à l’apartheid, ce roman a symbolisé, pour les Blancs opposés au système de discrimination raciale imposé en leur nom, et pour les Noirs qui en étaient victimes, l’horreur de ce racisme institutionnalisé qui a trop longtemps duré.

Impact décuplé par les deux adaptations cinématographiques qui en ont été faites aux Etats-Unis.

L’histoire : le roman d’Alan Paton raconte l’histoire d’un prêtre noir de zone rurale qui doit se rendre au chevet de sa sœur malade à Johannesburg, la « ville de l’or ». Il y découvre les horreurs du sort des Noirs au service de la puissante machine économique blanche, avec sa destruction sociale et morale.

Ecrit juste avant l’application des lois d’apartheid, il montre que l’apartheid mis en place par les Afrikaners n’a fait que formaliser des discriminations instaurées par les anglophones depuis des décennies, d’abord pour des raisons économiques.

Ceux qu’on aurait pu choisir : dans la même catégorie, on pourra lire « Native Life in South Africa » (non traduit), écrit en 1916 par Sol Plaatje, un journaliste et écrivain noir, après une tournée dans le pays où se mettent en place les mesures de discrimination raciale.

Mais l’un comme l’autre sont de moins en moins lus et appréciés par les nouvelles générations en Afrique du Sud, nées après l’abolition de l’apartheid. Aucune œuvre littéraire n’a pris leur place pour incarner l’âme du pays sauf, sans doute... l’autobiographie de Nelson Mandela, le roman national par excellence. On attend l’œuvre post-apartheid qui pourra occuper cette place. Pierre Haski

Espagne : « Don Quichotte », Miguel de Cervantes


« Don Quichotte » de Miguel de Cervantes

Notre choix : c’est « Don Quichotte ». Qu’on le veuille, le déplore, hésite, on revient à l’œuvre de Miguel de Cervantes, publiée en 1605 et 1615 sous le titre « El Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha ».

Les paysages, les caractères, la satire sociale datent du XVIIe siècle et d’aujourd’hui. Les calamités et la grâce des aventures de l’Hidalgo (« hijo de algo », fils de quelqu’un) sont imbriquées au destin, « à l’âme » du pays... Même les Catalans et les Basques n’y échappent pas.

L’histoire : je n’ai pas trouvé mieux que le résumé fait par Wikipédia (encore) :

« A la fois un roman médiéval – un roman de chevalerie – et un roman de l’époque moderne alors naissante, le livre est une parodie des mœurs médiévales et de l’idéal chevaleresque et une critique des structures sociales d’une société espagnole rigide et vécue comme absurde. »

Ceux qu’on aurait pu choisir : le Quichotte, ce n’est pas tout jeune, alors nos interlocuteurs (et moi-même) avons tenté, en vain, de nous entendre sur une œuvre contemporaine, qui raconterait aussi le traumatisme majeur qui divise encore l’Espagne, la guerre civile (1936-1939). La génération dite de 27, et Federico Garcia Lorca ou Antonio Machado ? Deux merveilleux... poètes.

Plusieurs spécialistes de littérature expliquent que la puissance de la littérature latino-américaine (de langue espagnole) a en quelque sorte étouffé l’émergence d’une voix forte, incontestable, dans la péninsule. BG

Italie : « Le Décaméron » de Boccace


« Le Décaméron » de Jean Boccace

Notre choix  : c’est « Le Décaméron » de Jean Boccace. Ce recueil de nouvelles – le premier en son genre – rédigé entre 1349 et 1353 décrit à travers les yeux de ces adolescents les vices de la société d’alors : une Eglise avide et malhonnête, une chevalerie en crise, l’hypocrisie généralisée, l’ascension de la bourgeoisie... Mais il souligne aussi ses vertus : l’amour, la fidélité, l’amitié, la foi...

L’histoire : dix jeunes – sept filles et trois garçons – se réfugient dans une villa de campagne pendant dix jours pour échapper à la peste noire qui ravage l’Italie. Pour tuer le temps, ils décident de se fixer une règle : chacun devra raconter une histoire chaque jour. Cela donne 101 nouvelles : c’est « Le Décaméron » de Boccace.

« Le Décaméron » de Pier Paolo Pasolini (1971)

Ceux qu’on aurait pu choisir : pourquoi ce recueil plutôt que « La Divine Comédie » de Dante, « Le Chansonnier » de Pétrarque ou « Le Prince » de Machiavel ? Parce que cette œuvre au style à la fois noble et colloquial parle aux Italiens contemporains, elle leur remémore une société paralysée par ses archaïsme et leur rappelle aussi la belle Italie, celle qu’ils nomment affectueusement « il bel paese », le beau pays. Nicola Giosmin

Grande-Bretagne : Charles Dickens


« Oliver Twist » de Charles Dickens

Notre choix : impossible pour nous de départager les trois monuments de Charles Dickens : « Oliver Twist », « Les Grandes Espérances » et « David Copperfield », publiés de 1837 à 1861.

Dickens livre un récit de la société industrielle émergente qui décrit l’exploitation, la marginalisation dans la ville et les mécanismes de distinction sociale. Pour Boyd Tonkin, rédacteur littéraire du journal britannique The Independent, le favori des trois romans reste « Les Grandes Espérances » :

« C’est une histoire de snobisme, de distinction et du lien inéluctable qu’entretient une personne avec ses origines sociales. Elle est spécifiquement anglaise dans le sens où le protagoniste voué à une vie de forgeron cherche à devenir un gentleman. »

L’histoire : dans ces trois romans, Dickens fait un dessin de l’Angleterre victorienne du XIXe siècle. Dans les trois romans, le protagoniste manque d’au moins un parent :

  • l’orphelin Oliver Twist est l’enfant de rue emblématique. Il subit la faim, le mauvais traitement et se retrouve à la rue où il devient délinquant ;
  • dans « Les Grandes Espérances », le protagoniste Pip est lui aussi orphelin. Un jour, il apprend qu’un bienfaiteur anonyme lui a légué une fortune et il quitte le foyer modeste où il a grandi pour devenir un gentilhomme à la capitale ;
  • « David Copperfield » est l’œuvre la plus autobiographique de Dickens, qui retrace son parcours de l’usine de cirage où il collait des étiquettes sur des boîtes jusqu’au moment où il devient écrivain.

Ceux qu’on aurait pu choisir : « Orgueil et préjugés » de Jane Austen ou « 1984 », le roman dystopique de George Orwell : « Orwell a inspiré et continue à inspirer l’imagination des générations de jeunes Anglais », explique Robert McCrum, éditeur adjoint de The Observer, le supplément du journal britannique The Guardian. Florencia Rovira Torres

Allemagne : « La Montagne magique », Thomas Mann


« La Montagne magique » de Thomas Mann

Notre choix : « La Montagne magique » de Thomas Mann. C’est le livre majeur de langue allemande au XXe siècle (il a été publié en 1924). Le livre dont les Allemands sont fiers. Un livre clairvoyant : il dépeint une microsociété ; à travers elle, il dépeint aussi la décadence de l’Occident à la veille de la Première Guerre mondiale. Les germes des tragédies à venir sont déjà perceptibles : la déchéance spirituelle fait le lit d’une culture de mort.

En l’espèce, il est difficile de distinguer l’attachement au livre de l’attachement à son auteur, prix Nobel de littérature en 1929, conscience qui très tôt dénonce la lâcheté intellectuelle ambiante, alerte sur le danger des régimes fascistes et fuit l’Allemagne en 1933.

L’histoire : ​un jeune ingénieur, ​Hans Castorp​, rend visite à son cousin dans un sanatorium de Davos. Les « gens d’en haut » qu’il y découvre le fascinent : un franc-maçon prophète de la raison et du progrès, un mystique, un hédoniste, un homme féru de psychanalyse... Son séjour, prévu pour durer trois semaines, va durer sept ans. Hans ne redescendra de la « montagne magique » que pour plonger dans la guerre. ​ ​

Une adaptation signée Hans Geissendörfer (en 1982) permet de revoir Marie-France Pisier et Charles Aznavour.

Bande-annonce de « La Montagne magique » de Hans Geissendörfer (1982)

Ceux qu’on aurait pu choisir : « Les Souffrances du jeune Werther » ou « Les Affinités électives » de Goethe ; les contes des frères Grimm ; « Effi Briest » de Theodor ​Fontane ; ou les œuvres complètes de Heinrich von Kleist. Mathieu Deslandes

Suède : « La Saga des émigrants », Vilhelm Moberg


« La Saga des émigrants » de Vilhelm Moberg

Notre choix : « La Saga des émigrants », tétralogie de Vilhelm Moberg. En Suède, pays de la prospérité et de la justice sociale, la littérature rappelle que l’on revient de loin.

Gunilla Hammar, célèbre professeure de suédois, nous raconte qu’elle lit souvent des extraits à ses élèves, à haute voix, de cette saga :

« “Les Emigrants” nous rappelle que nous sommes un peuple de paysans. Il y a juste cent ans, on était très pauvres. La plupart des enfants de ma classe ont des arrière-grands-parents qui travaillaient comme valets de ferme. »

L’histoire : le cycle des émigrants, qui commence par le roman « Au pays de 1949 », décrit l’histoire d’amour entre Karl-Oskar et Kristina, deux jeunes paysans du sud de la Suède qui embarquent pour l’Amérique avec leur famille une fois que la misère et la faim deviennent insoutenables, dans une Suède rurale et fortement religieuse. La troupe de Suédois s’installe finalement dans l’enclave suédoise, le Minnesota, et doit se construire une nouvelle vie.

Cet ouvrage, que Jan Troell a adapté au cinéma en 1971 et dont les anciens d’ABBA, Björn Ulvaeus et Benny Andresson, ont fait une comédie musicale, expose surtout l’exode suédois vers les Etats-Unis à partir du milieu du XIXe siècle. « C’est un bout de l’histoire du pays. Il y a tellement de gens qui ont des parents éloignés aux Etats-Unis », explique Åsa Beckman, responsable de la critique littéraire au quotidien Dagens Nyheter.

Extrait de « Au pays de 1949 » de Jan Troell (1971)

Ceux qu’on aurait pu choisir : une autre tétralogie, celle de la romancière Kerstin Ekman sur les femmes de la classe ouvrière, « Häxringarna » (« Les Anneaux de sorcière »), qui date de 1974, ou « Mademoiselle Julie », œuvre de théâtre d’August Strindberg devenue un classique. FRT

Chine : « Au bord de l’eau »


« Au bord de l’eau »

Notre choix : « Au bord de l’eau » est l’un des quatre grands romans classiques de la littérature chinoise que tout le monde connaît, quel que soit son niveau d’éducation. D’abord parce que cette histoire remontant au XIVe siècle :

  • vient de la tradition orale et se perpétue aussi par ce canal traditionnel ;
  • que ses représentations à l’écran ne se comptent plus ;
  • et que la bande dessinée, le manga à la chinoise, est également passée par là, comme le montre l’adaptation française faite par les éditions Fei, les voisins de Rue89 dans le XXe arrondissement de Paris... Une version plus classique existe en français à La Pléiade.

L’histoire : le roman compte pas moins de 800 personnages, des bandits unis par une amitié virile, en révolte contre la corruption du gouvernement et des hauts fonctionnaires de la cour de l’empereur (ce qui peut donner lieu à toutes les interprétations contemporaines).

La saga multiplie les scènes de castagne, les bourses remplies au fil des rapines, les amitiés et les banquets nécessitant force abattages de moutons gras. De nombreux passages ont été censurés selon les époques, impériale ou maoïste, pour des raisons de bonnes mœurs ou politiques.

Ceux qu’on aurait pu choisir : la principale concurrence vient évidemment des trois autres classiques chinois, dont les personnages et les intrigues sont connus de tous :

Plus récemment, un livre qui a pu, pendant une époque, incarner l’âme du pays, est « La Véritable Histoire de Ah Q », de l’écrivain Lu Xun, publié en 1921, satire cruelle de la faiblesse des Chinois et une critique sévère de la révolution inachevée de 1911 qui mit à bas le système impérial sans parvenir à créer la République moderniste à laquelle aspiraient les lettrés comme Lu Xun. Aucun roman contemporain ne peut aujourd’hui prétendre à un tel statut. PH

Norvège : « Les Trois Voleurs de Cardamome », Thorbjørn Egner


« Les Trois Voleurs de Cardamome » de Thorbjørn Egner

Notre choix : le livre le plus connu et le plus représentatif de l’âme norvégienne a été écrit par Thorbjørn Egner, et s’appelle « Les Trois Voleurs de Cardamome », sorti en 1955.

L’histoire : ça se passe dans une petite ville où tout le monde se connaît, et même ceux qui commettent des actes répréhensibles sont en réalité des gens bons. Cette naïveté norvégienne est parfaitement illustrée par la loi du livre, me raconte un prêtre. Celle-ci dit : « Tu n’embêteras point les
autres. Tu seras gentil et attentionné. » Cette « loi de Cardamome » est tellement connue que c’est devenu une expression courante.

Le livre s’est décliné en film, innombrables chansons, lectures à la radio, et en un parc d’attractions. Tous les Norvégiens en ont un exemplaire à la maison, et les enfants finissent toujours par aller en voir une représentation au théâtre.

Ceux qu’on aurait pu choisir : « Une maison de poupée » de Henrik Ibsen ou « La Faim » de Knut Hamsun. Diane Berbain

Russie : « Eugène Onéguine », Alexandre Pouchkine


Eugène Onéguine » d’Alexandre Pouchkine

Notre choix  : c’est « Eugène Onéguine », d’Alexandre Pouchkine, publié en 1825. Des pages et des pages de romantisme ardent, de vies gâchées et d’amours impossibles. On se désole, on pleure, on souffre (et on s’en réjouit secrètement) : le lyrisme russe à l’état pur.

L’histoire : Eugène Onéguine est un dandy blasé. La jeune Tatiana tombe follement amoureuse de lui. Eugène la repousse : il ne se sent pas capable de la rendre heureuse. Par ennui, il décide de séduire Olga, sœur de Tatiana et fiancée de Vladimir, son ami. Trahison ! Un duel est organisé entre les deux hommes. Eugène tue son ami. Sentiment d’absurdité et désespoir. Des années plus tard, Eugène croise Tatiana. Elle l’aime toujours mais elle a épousé un vieux militaire. Il tombe malade d’amour.

Tchaïkovski en tira un opéra. Et on dénombre au moins sept films.

Ceux qu’on aurait pu choisir : « La Dame de pique » ou « Rouslan et Ludmila », du même Pouchkine, LE père fondateur de la littérature russe. Autres monuments : « Guerre et paix » et « Anna Karénine » de Tolstoï, et « Crime et châtiment » de Dostoïevski. MD

Nous sommes sûrs que vous ne serez pas d’accord avec tous nos choix : faites les vôtres en commentaires.

MERCI RIVERAINS ! Pierrestrato
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  • Oignon
    Oignon
    Etudiant
    • Posté à 19h32 le 10/05/2013
    • Internaute 95253
      Etudiant

    Quel roman russe incarne mieux l’esprit russe que les Frères Karamasov ? Tout y est : la religion, la vodka, la déchéance de l’homme, le destin russe, la femme russe, le militaire russe...

  • poupougne
    poupougne
    « A côté d’un très beau poney (...)
    • Posté à 19h32 le 10/05/2013
    • Internaute 73898
      « A côté d’un très beau poney (...)

    Entièrement d’accord avec vous,les romans qui incarnent le mieux l’âme de la nation espagnole et française sont indéniablement les Misérables et Don Quichotte.Dans les choix secondaires de la littérature française,on aurait pu ajouter l’incontournable « le comte de Monte-Cristo » et « les Trois Mousquetaires“d’Alexandre Dumas.
    Je diverge sur les autres choix.En Angleterre,j’aurais placé ‘Hamlet’ de Skakespeare ; en Allemagne,Goethe et ‘les souffrances du jeune Werther’ ; en Italie,‘la Divine Comédie’ de Dante ; en Russie,connaissant la ferveur patriotique du peuple russe,‘Guerre et Paix’ de Tolstoi.

  • Hermite Critique
    Hermite Critique
    Blog - Critique littéraire
    • Posté à 19h48 le 10/05/2013
    • 178706
      Blog - Critique littéraire

    Joli dossier, avec des choix ô combien subjectifs...
    Peut-être cela aurait-il enrichi votre article de séparer roman qui incarne un pays, et roman qui incarne l’esprit d’un pays - chose qui selon moi est différente. En ce sens « l’esprit français » ne se limite pas à la Révolution et à la loi de 1905.
    Pour moi, Victor Hugo est, même s’il représente notre figure culturelle importante (avec talents multiples, littéraires, politiques, artistiques en général), paradoxalement le moins « français » de nos écrivains. Sa référence majeure est d’ailleurs Shakespeare, à qui il a consacré un texte magnifique.
    Pour ce qui est de l’esprit français, on pourrait chercher du côté de Molière, qui a la tournure et la pointe bien aiguisées.
    Encore que, ce n’est toujours qu’« un » esprit français. Rabelais et la paillardise en sont un autre.
    Débat insoluble donc...

  • Señor Oulqo
    Señor Oulqo
    Gros con de droite
    • Posté à 19h50 le 10/05/2013
    • Internaute 195938
      Gros con de droite

    Il manque aux Misérables la légéreté brillante de l’esprit français, l’esprit de finesse opposé à l’esprit de géométrie. Les Misérables, c’est un chef d’œuvre de l’esprit de géométrie. Ça ne peut donc pas prétendre incarner l’âme française, même limitée à la période post-révolutionnaire.
    De ce point de vue, Astérix serait plus approprié, c’est réel bijou, et c’est si français.

    Il est dommage que vous ayez fixé cette limite arbitraire de la Révolution ; je ne crois pas que l’esprit français soit façonné par cela, c’est plutôt que la Révolution a eu lieu, puis la loi de 1905, parce que l’esprit français y était prédisposé.
    Du coup, vous auriez pu choisir Pantagruel et Gargantua, autre chef d’œuvre de l’esprit de finesse, celui d’avant que la langue l’ait corseté.
    Ou, si vous préférez le beau langage, il y a de quoi faire chez Diderot, Voltaire, Chateaubriand.

    Le problème avec Hugo, c’est que malgré toutes ses qualités, il est balourd. Il enfonce le clou, il tire la larme des tripes, pas de l’émotion artistique ; c’est un géomètre de la littérature. En cela il incarne l’esprit de bien des Français, mais pas ce qu’on appelle « l’esprit français ». Toutes proportions gardées, Hugo est à la littérature ce que Jean Ferrat est à la chanson de variété.

  • Pivar
    Pivar
    Pyropygiste
    • Posté à 20h14 le 10/05/2013
    • Internaute 160918
      Pyropygiste

    - Belgique : « L’oiseau bleu » de Maurice Maeterlinck. L’intérêt de cet auteur est qu’il est flamand francophone, ça rassemble un peu ce pays divisé. Et puis son symbolisme et ses images en liberté ont annoncé le surréalisme, qui à mon avis illustre bien la belgian touch.

    - Hongrie : Sandor Marai, « Mémoire de Hongrie », en lisant ce livre on a tout compris de l’âme hongroise.

    - Danemark : « La Petite Sirène » d’Andersen, parce que c’est devenu l’emblème du pays.

    - Ecosse : « Waverley » de Walter Scott, sans hésitation, vrai roman national marquant l’identité de l’Ecosse.

    - Bulgarie : Ljuben Karavelov : « Les Bulgares du temps jadis », premier auteur réaliste bulgare à inscrire dans ses œuvres une thématique sociale.

  • Deïr Yassin
    Deïr Yassin
    Groupie de Khalida Jarrar !
    • Posté à 20h15 le 10/05/2013
    • Internaute 151422
      Groupie de Khalida Jarrar !

    Mon choix :
    Roman américain : John Steinbeck : ’The Grapes of Wrath’ [Les raisins de la colère]. Le film avec le jeune Henry Fonda est aussi magnifique que le livre.

    Au lieu de « Saga des Emigrants » de Vilhem Moberg, je choisis « Pelle Le conquérant » du Danois Martin Nexoe Andersen, Palme d’Or à Cannes et oscarisé dans le version filmique de Bille August. L’histoire d’un migrant suédois qui part pour l’Amérique mais n’arrive pas plus loin que le Danemark voisin. L’histoire universel d’un sous-prolétaire, écrit par le plus grand écrivain scandinave à mon avis.

    Russie : les oeuvres complètes de Lénine....
    Chine : ’Le Petit Rouge’ de Mao......

  • les_canards
    • Posté à 20h32 le 10/05/2013
    • Internaute 20527

    Euh, je ne vois pas bien en quoi Les Misérables porte le mythe de l’école républicaine... (tout à fait d’accord avec le choix, par ailleurs).

    Pour l’Autriche : le Monde d’hier, de S. Zweig (mais ce n’est pas un roman) ou la Marche de Radetzky, de J. Roth qui retrace la chute de la double monarchie en la personne d’un Austro-hongrois slovène...

    Pour l’Islande : la Cloche d’Islande, de Laxness. Toute la grandeur et la misère du pays est dans ce livre.

  • Jo le Joker
    Jo le Joker
    Guignol le troll
    • Posté à 20h55 le 10/05/2013
    • Internaute 201043
      Guignol le troll

    pour moi ,toute la mesquinerie, la suffisance et l’arrogance de l’esprit français est chez Flaubert, on le perpétue depuis ! . Et il nous reste aussi quelque chose de la flamboyance de chez Baudelaire le « prince des poètes qui a sublimé la poésie française et l’a fait accèder aux rangs de la modenité . En espagne Cervantès continuera de nous hanter longtemps il représente un archétype de la littérature : la folie n’est-t-elle pas de voir la vie telle qu’elle est ? La russie c’est bien sûr le visionnaire Dostoievski mais c’est un peu aussi l’âme d’Oblomov qui a renoncé à se lever le matin et qui a perdu tout appétit de la vie, Côté USA “ce fruit qui a mûri trop vite jusqu’à pourrir” selon Henry Miller, il faut à mon avis aller chercher chez phil K dick, james Elleroy, john Fante, William Burroughs le revers de l’américan dream

  • thierry reboud
    • Posté à 21h18 le 10/05/2013
    • Internaute 20923

    Sur Gatsby, je ne suis pas vraiment d’accord : j’ai l’impression que Gatsby incarne une certaine classe sociale étasunienne à un moment donné et qu’il raconte des états d’âme pas forcément très nationaux. Mais c’est vrai que j’ai du mal à tenir Fitzgerald pour un auteur majeur.
    Il me semble que Le Dernier des Mohicans de Fenimore Cooper incarne mieux l’âme étasunienne, ne serait-ce d’ailleurs que par son côté fondateur, mais aussi parce qu’il raconte la prise de possession du territoire et le génocide qui va avec. La Prairie pourrait faire un très bon candidat aussi.
    En revanche, je ne sais pas s’ils sont encore beaucoup lus de nos jours.

    En Chine, je m’attendais plutôt à La Pérégrination vers l’Ouest, mais je vois qu’il figure dans la liste complémentaire, donc rien à redire.

    Pour la Russie, j’aurais plutôt cité Guerre et paix, non pas parce qu’il s’agit d’un monument, mais qu’il me paraît plus emblématique de la prise de conscience proprement nationale de la Russie. Mais tant qu’à choisir un roman de Dostoïevski, j’aurais plutôt pris Les Possédés.

    Remarque voisine pour ce qui concerne l’Allemagne : les contes des Grimm me paraissaient un candidat beaucoup plus solide.
    Cela dit, probablement moins connus mais très représentatifs (selon moi) de ce que pourrait être l’âme allemande, je vois aussi les romans de Grimmelshausen, et tout particulièrement Simplicissimus, ou L’Aventurière Courage qui inspirera Brecht.

    Rien à redire non plus pour l’Espagne (quoique... Lazarillo de Tormes...), le Royaume Uni ou la France : parfois les évidences ne sont pas évidentes pour rien.

    Bon courage à ceux qui liront le Décaméron, je n’ai jamais réussi à le finir, mais ce n’est évidemment pas un critère.
    Une absence étonnante dans la liste complémentaire, celle du Guépard de Lampedusa : voilà un roman qui incarne parfaitement, me semble-t-il, l’Italie moderne.

    La Grèce : on dira ce qu’on veut, mais L’Iliade et L’Odyssée restent indépassables, y compris dans ce qu’on peut trouver d’irritant aux Grecs mais, franchement, tout y est déjà.

    L’Argentine : Martin Fierro évidemment, encore cité assez couramment par des Argentins croisés dans des bistrots.

  • Seingalt
    Seingalt
    amateur professionnel
    • Posté à 21h46 le 10/05/2013
    • Internaute 166244
      amateur professionnel

    Il manque quand même quelques pays importants :
    -Le Japon : les notes de chevet de Sei Shonagon.
    -Le portugal : Os Lusiadas de Camoens.
    -La Pologne : Pan Tadeuz de Mickiewicz.
    -L’Inde : Gora de Tagore.
    -La Grèce : l’Iliade, avant tout !

  • olivier1971
    olivier1971
    Enseignant-chercheur
    • Posté à 23h01 le 10/05/2013
    • Expert 124389
      Enseignant-chercheur

    Et pourquoi rien pour le Japon ? ?
    Alors, voilà, là c’est simple : 2 prix Nobel ! !
    Donc, si on veut une littérature un peu « conservatrice », mais poignante : Kawabata (par exemple : Kyoto ou Les Belles endormies) ;
    sinon, l’autre prix Nobel, plus iconoclaste : Oe Kenzaburo (Dites-nous comment survivre à notre folie (ou Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants).
    Et de toute façon 1 seul livre, ni même 2, n’est (ne sont) capable(s) de représenter 1 nation entière... Ou alors, c’est qu’on est dans une dictature ! !

  • Mimi Groseille
    • Posté à 23h22 le 10/05/2013
    • Internaute 142290

    Pour l’Afrique du sud, j’aurais pris Disgràce de JM Coetzee

  • Merlicot
    Merlicot
    chercheur de temps perdu
    • Posté à 00h59 le 11/05/2013
    • Internaute 201299
      chercheur de temps perdu

    Pour l’Italie j’aurais choisi Le Guépard de Lampedusa. Une grande fresque sur l’histoire italienne qui reste pourtant intemporelle, parfaitement résumée avec la phrase « il faut que tout change pour que rien ne change », une merveille.

  • simla
    simla
    desperate housewife
    • Posté à 01h38 le 11/05/2013
    • Internaute 164811
      desperate housewife

    Pour la Russie :
    Le Don paisible de Michaël Cholokov. Un « Guerre et Paix » à la sauce cosaque.
    Les « rouges » contre les » blancs », un superbe roman.

  • Clarence
    • Posté à 09h47 le 11/05/2013
    • Internaute 2860

    Bonjour.

    Ok pour « les Misérables », ne serait-ce que parce que partout en France, même ceux qui n’ont jamais ni lu le livre ni vu les (ou « des »...) films savent qui sont Jean Valjean, Cosette, Gavroche, les Thénardier ou Javert, et ce qu’il symbolisent.
    Ok aussi pour Cervantes et Dickens, s’il faut vraiment n’en choisir qu’un par pays.
    Mais concernant les Etats-Unis, et sans mépriser, Dieu sait ! , la littérature américaine (et jusqu’à Jim Harrison, que vous auriez pu citer aussi, plus que « le Vieil Homme et la Mer », qui n’est pas si « américain » que ça...), le roman national de ce pays -dont l’histoire, au moins depuis la guerre civile, est exactement synchrone de celle du cinéma- n’est-il pas en réalité les westerns de Ford ?

  • Lionel06
    Lionel06
    Dessoucheur
    • Posté à 11h19 le 11/05/2013
    • Internaute 30683
      Dessoucheur

    Pour le Liban, je conseillerais la lecture du Rocher de Tanios de Amin Maalouf, et surtout Le Laboureur des Eaux de Houda Barakat (ou son dernier roman Le Royaume de cette terre).

  • Episteme
    Episteme
    Recul critique
    • Posté à 12h24 le 11/05/2013
    • Internaute 123504
      Recul critique

    Je trouve que l’expression de mythe national est mal choisie puisqu’il renvoie à une construction historique. Quand on parle de mythe national, on pense immédiatement à Lavisse, à Nora et à ses lieux de mémoire.

    Là, on cherche plutôt à saisir l’âme d’une nation, son essence, ce qui la caractérise, la singularise. En ce sens, il faut une collection d’oeuvres pour aborder les divers aspects d’un même ensemble.

    Les Etats-Unis seront donc tout à la fois, Thoreau, Fiztgerald, Steinbeck, mais encore Rand, Ellis et Irving avec bien d’autres.

    La France sera Rabelais, Voltaire, Rousseau, Balzac, Hugo, Zola, mais aussi Vernes ou encore Stendhal, Pagnol et Sartre.

    Le Japon sera le Kojiki, Nihonshoki, le Dit du Genji, tout autant que Mishima, Tanizaki ou encore Yoshikawa.

    En aucun cas une seule oeuvre ne saurait incarner cette richesse au sein d’un même ensemble culturel.

  • Emma T
    Emma T
    Cybersitu
    • Posté à 14h18 le 11/05/2013
    • Internaute 40366
      Cybersitu

    Le deuxième sexe de l’âme de la nation... les nomméEs et nominéEs sont :

    USA Toni Morisson Beloved, Margaret Mitchell Autant en emporte le vent

    France Marguerite Duras Moderato cantabile, Colette La Vagabonde

    Afrique du Sud Nadine Gordimer Le Conservateur

    Espagne Lucia Etxebarria Amour Prozac &... et Thérèse d’Avilla Humiliation

    Italie Elsa Morante La Storia

    Grande Bretagne Virginia Woolf Mrs.Dalloway

    Allemagne Autriche Elfriede Jelinek : Tout
    et Lou Andréa-Salomé La Maison

    Suède Øjda Åbøf Dåp sjubrødfrå dikt i Åpehvem har stemt Løperje ! ! !

    Chine Xiao Hong Les Contes de la rivière Hulan

    Norvège Linn Ullmann Et Velsignet Barn

    Russie Nina Berberova Le Laquais et La Putain, Olga Slavnikova L’immortel, histoire d’un homme véritable, Ludmila Oulitskaïa De Joyeuses funérailles

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